Je m’appelle Ketty, je suis une perle noire créole et je découvre enfin la vie …

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C’est un coin sombre, humide, avec un grillage en guise de porte. L’endroit est exigu, je n’y vois rien, ou suis-je ? Ma maman n’est pas là … J’ai peur…  Le jour laisse percevoir l’étendue de mon triste univers, effectivement je suis dans ce que l’on appelle un clapier. Certaines personnes élèvent des lapins dans ce genre de cage.

Marie-Galante, l’île qui m’a vue naître, est célèbre, tout le monde a déjà chantonné la chanson. Il parait que c’est beau, c’est certainement vrai mais je ne vois rien, je n’entends rien, à part le bruit des oiseaux et le ressac de la mer qui m’envoie quelques odeurs agréables parfois.

Telle une aveugle j’imagine dans l’ombre ce que peut être la vie autour de moi, je me demande s’il y a des animaux libres.

Beaucoup plus tard je découvrirai les colibris et les sucriers que j’entendais mais aussi les lézards silencieux et les araignées, les tortues et les mangoustes que j’aurais probablement chassées.

Le temps est long, on vient nettoyer le clapier de temps en temps, on me nourrit à peine.

Je veux découvrir le monde, courir à toutes pattes, je rêve de faire de grandes choses mais je suis là, dans cette boîte qui semble rétrécir au fur et à mesure que je grandis.

Quelle idée franchement de me laisser là ! Je m’ennuie, je me sens si seule et puis je suis si mal, mon estomac crie famine, je perds le peu de forces qui me restaient.

Je n’ai presque rien à manger mais je sers de festin aux puces. Je pleure doucement, cela fait des mois que je souffre ici sans espoir.

Mais soudain, j’entends une voix inconnue, quelqu’un que je ne connais pas s’approche, j’ai si peur.

Le clapier s’ouvre en grinçant, je voudrais me fondre au fond de la cage mais elle est trop petite. Ne me faites pas de mal je vous en supplie, je n’ai rien fait.

Des bras que je sens bienveillants me sortent avec précaution,  mais je me sens ballottée, j’ai mal au cœur,  je ne suis pas habituée. J’entends des personnes s’affairer autour de moi mais toute cette lumière m’éblouit, je dois fermer les yeux, je ne les vois donc pas.

Je commence à comprendre malgré tout que la nouvelle venue me veut du bien, elle s’inquiète de ma frêle silhouette, de mes problèmes de peau, de tout ce poil que j’ai arraché à force d’être dévorée par les puces et à force d’ennui peut être aussi.

Pourvu que je ne rêve pas …

Non je ne rêve pas, je pars dans les bras de ma sauveuse.

                       

Arrivée devant ma nouvelle maison, la dame me passe une corde autour du cou et m’attache. De toute façon je n’aurais pas la force de courir ni même de marcher, je peux m’allonger c’est déjà énorme pour moi. Et surtout elle me donne à manger, c’est tellement bon.

Je respire mieux, l’air est agréable, je commence à vivre.

Quelques jours plus tard, je me mets assise et apprends doucement à m’intéresser à ce qu’il se passe autour de moi. Je peux désormais m’asseoir, faire quelques pas.

Quand la dame s’approche de moi je remue la queue de plaisir, je sais que je vais avoir des caresses, des bisous en plus de la bonne nourriture et j’aime ça.

 

Et un jour elle m’explique que je vais partir, qu’elle va devoir me mettre dans une cage à nouveau, mais une grande dans laquelle je pourrai dormir tranquille.

Je vais aller en Guadeloupe en bateau, chez le vétérinaire, et ensuite je prendrai un grand oiseau blanc pour traverser l’océan et rejoindre la métropole où une gentille famille m’accueillera.

Je ne comprends pas tout, mais elle est tellement bienveillante que je me sens en confiance.

Le grand jour est arrivé, me revoilà en cage.- Ohlala ! Que ça bouge, de gauche à droite, de droite à gauche, je ne me sens pas bien, en fait j’ai ce qu’on appelle le mal de mer. Heureusement cela ne dure pas trop longtemps.

Je suis emmenée chez le médecin des animaux, il m’ausculte, me fait des piqûres, ce sont encore des instants difficiles à passer.

Puis je rentre dans le ventre du grand oiseau, toujours dans ma cage, mais je ne suis pas seule, je vois d’autres chiens, cela me rassure un peu. Ce voyage est long, très long, je dors par moment. Tous ces changements me perturbent même si cela n’a rien de comparable avec ma vie d’avant dans mon clapier car je n’ai plus faim, je ne suis plus dévorée par les puces, je suis allongée sur une couverture.  Oui, une couverture, c’est nouveau pour moi, mais la température n’est plus la même.

S’ensuivent pas mal de mouvements, de nouvelles odeurs, je commence à stresser, je ne sais pas ce qui m’attend encore. Pour moi qui n’avait rien vu durant les premiers mois de mon existence cela fait trop.

Je vois alors une personne arriver, elle me sort de ma cage, oh que j’ai peur face à ce bipède que je ne connais pas ! Je suis totalement tétanisée.

 

Je comprends que je m’appelle désormais Ketty.

La dame m’emmène chez elle, je découvre pour la première fois ce qu’est une maison, il y a des congénères ce qui me rassure un peu.

La soirée s’annonce bonne, la gamelle est généreuse, mais il y a beaucoup de mouvements avec les autres chiens, je n’ai pas l’habitude. Ils sont sympas avec moi, je sens déjà qu’ils veulent me protéger et tentent de me mettre à l’aise. Peut-être que finalement je vais me trouver bien ici.

Il y a un jardin, la dame m’emmène le visiter mais je veux rentrer aussitôt, il faut que j’assimile doucement toutes ces nouveautés.

Puis je fais l’expérience de la douche, du massage, je sens super bon, je commence à apprécier que l’on prenne soin de moi.

 

Mon poil repousse et devient de plus en plus brillant, je n’ai plus ces affreuses bestioles qui me dévoraient, je reprends du poids, petit à petit je me sens de plus en plus belle.

Je gagne aussi en confiance, je me suis fait une copine, on joue tout le temps ensemble.

Je m’appelle Ketty, je suis une chienne créole, une perle noire et je découvre la vie, le monde.

Je ne vis plus dans l’ombre, je dors sur le canapé ou avec mes copains. Je n’ai plus aucune trace sur mon corps de mon passé, j’oublie la maltraitance dans l’amour de la famille qui m’a ouvert sa porte pour me préparer doucement à prendre mon envol.

         

Si un humain a pu me faire du mal en m’enfermant dans une cage, d’autres m’ont sauvée, je n’ai aucune rancune, je suis affectueuse, courageuse, douce, et je suis joueuse même si cela n’a pas été drôle tous les jours.

Mon histoire a marqué les cœurs des bénévoles qui m’ont sortie de l’enfer. 

Aujourd’hui ma vie c’est la liberté dans le jardin, c’est dormir sur le coin du lit, c’est manger tous les jours à ma faim.

Il a fallu partir si loin, pour connaitre enfin le bonheur.

La reconnaissance, je l’aurai à jamais pour ceux qui m’ont porté secours, m’ont soignée, nourrie.

A tous un grand merci.

Bientôt je voguerai vers de nouvelles aventures car je sais qu’une famille adoptive m’attend quelque part et cette fois ce sera pour la vie. Mais n’allons pas trop vite, chaque chose en son temps.

Ecrit par Fabienne et Mabel