Madrid__Knacki_et_Mamie_Youyou

Je venais de perdre ma Salsa, ma chienne sauvée pendant un de mes voyages en Roumanie. Il me restait ma mamie Youyou, petite shitsu, elle avait dix-sept ans, elle était sourde et aveugle. Je savais que je ne la garderais plus très longtemps.

J’étais tellement triste que je décidai de faire venir rapidement un autre chien à la maison. Cette fois je voulais sortir un animal d’un refuge, il y en a tellement en attente de familles. J’ai donc regardé le site de celui qui était le plus proche de chez moi.

J’ai alors craqué sur une petite créole qui s’appelait Banjul, un petit Bacou me plaisait bien aussi. J’avais vu la photo d’une autre chienne, je n’ai pas retenu son nom, je lui trouvais le regard noir, elle me faisait peur. J’ai alors pensé n’importe quel chien sauf celui-là !

Quand j'ai appelé le refuge, j’ai appris que les chiots Banjul et Bacou étaient déjà réservés mais je suis allée faire une petite visite quand même. En me promenant, je me suis arrêtée devant le seul chien qui n’aboyait pas. J’ai lu sa fiche accrochée au box, c’était une femelle, âgée d’un an, elle s’appelait Madrid.

Quand je me suis approchée d’elle, elle m’a fixée, son regard restait rivé au mien. Elle portait une collerette car elle venait d’être stériliser. J’ai passé mes doigts à travers le grillage et elle est venue de suite vers moi, j’ai approché ma joue et j’ai senti son petit nez.

J’ai alors pensé aussitôt que ce serait elle ma future compagne !

Mais la chance n’était pas avec nous, apparemment, car une personne du refuge m’a dit qu’elle était déjà réservée. Je lui ai demandé de bien vouloir vérifier et tristounette, je me décidai à refaire un tour.

J’ai soudain entendu quelqu’un courir derrière moi et crier « C’est bon !! »

« C’est bon ? Elle est libre ? si oui je repars avec elle !! »

C’était oui !!

Je suis allée aussitôt remplir les papiers pendant que la dame mettait une laisse à Madrid et l’emmenait dans le hall.

J’ai alors vu la petite chienne trembler de peur, mon Dieu que ça faisait mal au ventre. Qu’avait-elle donc subi pour être si effrayée ? au contact de l’homme ? à la vue d’une laisse ? à l’idée de partir dans l’inconnu ? Je n’avais pas la réponse à mes questions.

Dans la voiture, elle s’est collée à Youyou, qui m’avait accompagnée. La mamie l’a laissée faire, elle a probablement senti sa détresse.

Et c’est là que j’ai reconnu son oreille coupée !! Oui, Madrid a une particularité à l’oreille gauche, elle est coupée … et toujours redressée d’ailleurs. C’était donc la chienne dont le regard noir m’avait fait peur. C’était celle dont je ne voulais pas.

N’importe lequel sauf celui-là … et bien c’était celui-là qui avait fait fondre mon cœur !! enfin celle-là !!

Il ne faut donc jamais se fier à des photos, surtout à l’arrivée des animaux dans les refuges, ils sont tellement bouleversés. Soit ils ont été trouvés errants, soit ils viennent d’y être déposés par leurs maîtres bienaimés. Les créoles sont particulièrement déboussolés car ils viennent en plus de faire un long, très long voyage.

Madrid venait de Guadeloupe tout comme les chiots Banjul et Bakou. Ils avaient pris l’avion ensemble il y avait quelques jours seulement.

Je pensais que décidément les créoles avaient un pouvoir sur moi.

Elle avait été trouvée attachée à un arbre, dans un coin de la Grande Terre. Elle attendait des bébés, ce devait être la raison de son lâche abandon. Les personnes qui l’avaient jetée là, ne lui avaient laissé aucune chance de survivre. C’était sans compter sur les bonnes âmes de Guadeloupe qui œuvrent sans relâche pour sauver tous ces malheureux.

Je ne saurais jamais ce qu’elle avait vécu avant de se retrouver là mais son passé devait être bien lourd. Madrid avait peur de tout.

Je lui ai appris la marche en laisse qui l’effrayait tant. Je lui appris tout doucement à descendre et monter des escaliers qui la faisaient paniquer. Je lui ai appris à marcher dans l’obscurité.

Avec patience et douceur, je l’ai amenée à prendre confiance en moi et en elle aussi.

Le chemin fut long mais nous y sommes arrivées ensemble.

La vétérinaire me dit que Madrid n’a confiance qu’en moi d’ailleurs.

Depuis j’ai eu l’occasion de constater que beaucoup de créoles sont dans ce cas. Ils gardent une telle méfiance envers l’homme qu’ils se fient uniquement à leur maître ou maîtresse.

Madrid comprend très vite et écoute très bien, c’est une chienne extraordinaire.

Je l’adore avec son oreille coupée toujours dressée et l’autre toujours abaissée.

Youyou n’a jamais eu peur d’elle. Ma mamie était trop âgée cependant pour partager beaucoup de jeux et son infirmité ne le permettait pas non plus.

Je me suis dit que la compagnie d’un chien plus jeune ferait certainement du bien à Madrid, et tout naturellement j’ai pensé à une petite misère des îles.

Je venais d’adopter une guadeloupéenne, j’eus envie de sauver une réunionnaise.

Je souhaitais un plus petit gabarit car je partage l’appartement avec une amie handicapée.

Je suis tombée sur la photo d’un chiot dans un carton, chez un vétérinaire, une minuscule femelle toute rousse, elle était perfusée. Elle m’a émue.

J’ai appris qu’elle avait longtemps erré dans la rue et qu’elle trouvait de la nourriture auprès d’un monsieur. Quand il a déménagé, ce charmant homme a averti une bénévole qui est venue la chercher et l’a déposée dans une clinique.

J’ai alors décidé de l’adopter, elle était trop mignonne.

Je voulais d’abord l’appeler Zouk mais finalement je trouvais qu’elle ressemblait à un teckel … un teckel bien roux … ce fut Knacki.

Il m’a fallu attendre un peu que ma petite boule rousse soit en état de voyager.

Le jour de son arrivée, j’étais impatiente d’aller la chercher et tellement heureuse.

Une gentille dame s’était proposée pour nous l’amener à mi-chemin entre l’aéroport de Paris et Nancy où nous habitons. Je décidai d’emmener Madrid avec moi.

La rencontre a eu lieu sur un parking. Ce fut un véritable coup de foudre entre les deux et depuis elles ne se sont plus jamais quittées.

Pendant que je vous écris Knacki dort sur Madrid comme à son habitude.

Madrid est très protectrice, non seulement envers moi, mais aussi avec ma colocataire et avec Knacki bien évidemment.

Knacki comme sa grande " sœur " comprend très vite. Elle la suit partout et bien sûr reproduit tout ce qu’elle fait. Un vrai mimétisme existe entre elles.

Mamie Youyou nous a quittés récemment, je pense à elle chaque jour.

Mes deux amours des îles m’aident à surmonter ma peine, elles ont fait rentrer à nouveau le soleil dans la maison.

Ecrit par Mabel et Agnès

Madrid, Knacki et Mamie Youyou

Partager cet article