Une vie de Star

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Je suis une petite chienne créole, née en Guadeloupe, j’ai 7 frères et sœurs qui s’appelaient Symphony, Iaima, Minou, Cosmos, Crews, Aragone et Parfaite. J’ai mis à l’imparfait car ils ont changé de noms depuis. Il faut dire que dans l'urgence, beaucoup de mes frères ont reçu des prénoms de filles. Nous n'étions que deux femelles dans la fratrie, Iaima et moi. Ma maman c’était Francia, elle n’avait même pas 2 ans quand elle nous a mis au monde.

Je n’ai pas souffert sur mon île, grâce aux gentilles dames qui nous ont sauvés, peu de temps après notre naissance. Nous n’avons pas eu le temps de connaître la misère de la rue. Nous avons vécu quelques temps tous ensemble dans un joli jardin, le ciel était bleu, il faisait beau, c’était chouette.

Et puis un jour, nos gentilles fées nous ont mis dans des cages et nous ont emmenés loin de là. A l’arrivée, elles nous ont fait des câlins, en nous disant au revoir, elles nous ont beaucoup parlé mais je n’ai pas tout compris, je les sentais tristes et ça m’a angoissée.

Et puis nous sommes rentrés dans le ventre d’un grand oiseau blanc. La nuit a été longue, il faisait froid, je me blottissais contre mes frères et sœurs qui partageaient la même cage.

En fait, nous avons tous traversé l’océan atlantique pour atteindre la métropole, je ne l’ai su qu’après, en entendant les gens parler autour de nous.

Ensuite ce fut un autre voyage, en voiture cette fois, jusqu’à l’arrivée dans un endroit assez triste, appelé un refuge. C’était en Lorraine, l’air était glacial, le ciel était gris, tout y était triste. Les boxes n’étaient pas très accueillants mais j’étais un peu rassurée par la présence de mes frères et sœurs à mes côtés. Notre maman n’était pas avec nous, ça nous a beaucoup attristés de nous retrouver sans elle. Nous l’avons aperçue un jour au loin, dans le refuge, et nous avons pleuré de ne pouvoir l’approcher.

Les jours passaient, monotones, de temps en temps vous voyions arriver des gens qui nettoyaient nos boxes, nous donnaient à manger et nous cajolaient.

Puis j’ai vu certains de mes frères partir, Crews en premier, puis Cosmos et Parfaite et enfin Minou. Nous n’étions plus que quatre. J’étais effrayée à l’idée de me retrouver toute seule.

Et, un jour, en fin d’après- midi, ELLE est arrivée, je l’ai vue s’arrêter devant nous, elle m’a regardée et j’ai senti que quelque chose se passait, mon petit cœur s’est mis à battre plus vite. Elle était jolie, elle me semblait douce et je voyais bien que je lui plaisais, moi au milieu de ma fratrie. J’étais tristounette et je crois qu’elle l’a de suite réalisé. Mais elle est repartie me laissant seule, désemparée, devant la grille, cette nuit-là je me suis serrée encore plus fort contre mes frères et ma sœur. Ce que je ne savais pas c’est qu’elle aussi avait été triste de repartir et qu’elle avait décidé de revenir me chercher.

Effectivement, le lendemain, en début d’après-midi, ELLE était là devant moi, toute souriante, elle m’a de suite appelée par mon prénom, j’ai accouru, puis la porte du box s’est ouverte et je suis partie avec elle. Je sentais bien qu’il se passait quelque chose d’important, j’ai laissé mes frères et ma sœur dans le box et ma maman quelque part ailleurs dans le refuge et j’ai franchi la porte qui s’ouvrait vers ma vie future à l’extérieur. J’étais à la fois peinée de les avoir quittées mais impatiente de sortir de ce vilain endroit et je sentais que je pouvais suivre cette gentille demoiselle les yeux fermés.

Je ne me suis pas trompée. Depuis que je suis avec elle, c’est le nirvana. Elle m’appelle sa petite Coccinelle, sa Prunelle mais heureusement Star également, elle a conservé mon prénom, elle trouve qu’il me va très bien. D’ailleurs elle m’a acheté un manteau et des bottines, une vraie starlette, je pourrais défiler à Cannes avec mes beaux habits.

Je suis hyper gâtée, en plus des câlins dont je ne me lasse pas, j’ai des friandises, des jouets, en veux-tu en voilà. Je la suis partout, même au restaurant, je sais me faire toute petite et obéissante pour ne pas la quitter d’une patoune.

C’est une joie partagée, depuis que je suis avec elle, elle est gaie, enthousiaste alors que, selon ce que j’ai compris, elle n’allait pas très bien avant notre rencontre. Je suis heureuse et fière de participer aussi à son bonheur.

Je vais vous raconter la plus belle surprise qu’elle m’ait offerte. Lors d’une promenade, je me suis trouvée truffe à truffe avec Parfaite et Aragone, devenus Ewan et Django. Vous imaginez ? Nos retrouvailles furent mémorables, on n’arrêtait pas de se faire des bisous, des léchouilles, on a couru comme des fous. Se revoir à 7 000 kilomètres de l’endroit où nous sommes nés alors que nous avons été adoptés dans des familles différentes, c’était tout simplement génial.

Plus tard, j’ai eu la grande joie de partager aussi quelques balades avec Crews, Iaima et Symphony, qui s’appellent maintenant Jack, Alma et Gypsy. Mais peu importe leurs noms, je les reconnaitrais entre mille à leur odeur si familière.

Il manque Minou que je n’ai jamais revu. Et ma gentille maman, la douce Francia que j’aime tant. J’entends prononcer son nom de temps en temps, donc si on parle d’elle c’est que, peut-être, j’aurai le bonheur de la revoir aussi. Je sais que mes frères et sœurs seraient aussi heureux que moi de pouvoir la sentir, la renifler comme au bon vieux temps.

Je suis très reconnaissante à ma maîtresse de m’avoir offert ce cadeau inestimable de retrouver ma fratrie, tous les maîtres présents doivent nous aimer très fort pour penser à nous réunir.

Mais j’ai eu d’autres agréables surprises, depuis nous rencontrons régulièrement des copains venus de Guadeloupe, Doudou, Banjul, Ellis, Centaure avec lesquels je m’entends bien et je m’amuse beaucoup. C’est super chouette de retrouver des potes qui nous ressemblent.

J’ai compris que ma douce maîtresse se mobilisait beaucoup pour aider les créoles, elle passe du temps à surfer sur internet comme ils disent … c’est dur de suivre le langage des humains parfois … les adoptants s’y retrouvent et organisent des balades.

J’ai entendu dire que les créoles n’étaient pas très aimés en Guadeloupe, mais franchement en métropole nous sommes adulés ! Nous sommes super gâtés, nous recevons beaucoup d’amour, de tendresse.

Je suis si triste d’imaginer que tous n’ont pas la même chance sur mon île et je ne comprends pas pourquoi. Pourquoi mes congénères sont-ils si souvent repoussés sur notre île ?

Si les gens s’intéressaient un peu à nous, ils ne pourraient que nous aimer …